• Indigente conversion

     

    La parole, itinéraire du vent guidé par sa cécité, constamment affrontée à la matière - cette mort !

     

    Ce cri, ce cri tout ensemble aigu de sens et insignifiant, le voici qui résume un être bipède envieux de l’aube qu’il lit dans le regard des sources…

     

    Par d’intangibles images, miraculeusement le verbe dématérialise les choses, qui se dégagent d’elles-mêmes, se muent en pensée telles ces couleuvres qui derrière elles quittent, translucide, leur ancienne forme en travers du chemin.

     

    Quel héritage d’étoiles pèse sur tes épaules, auréole ton front d’un vertige obsédant, te fronce le rythme cardiaque et dispose autour de toi la fin agitée d’un univers indéfini ?

     

     

     

     

     

     

    Fin d’après-midi à Châteauneuf

     

    Dans la vallée, le village derrière les chênes;

    tonitruante une moto traverse les échos

    d’est en ouest. La maison au bord de la route

    abrite des gens âgés qui dodelinent de la tête.

    Le promeneur les voit par une baie vitrée.

     

    Les nuages déclinent vers la fin d’après-midi

    qui bleuit les ondulations forestières des monts.

    Rentre de l’école un gaçonnet au coeur lourd.

    Pendue à l’invisible fil d’un dieu radiesthésiste

    sans fin la buse gire au beau milieu du ciel ...

     

    Le petit étang l’observe d’un regard limpide.

    De riches golfeurs club à l’épaule parcourent

    le green ras et verdi par les rougeurs du soir.

    Dans le crépuscule qui s’annonce, une brise

    de thym a réveillé très haut les première étoiles.

     

     

     

     

     

    Au seuil de l’inconnaissable

     

    Tant de choses échappent

    J’envie ceux qui savent parler

    par exemple de la fatigue de l’âge

    du tremblement et des mains froides

    ou de « l’enfer des portes » Entrer

    sortir 

    .          quelle activité subitement

    hors de sens opaque cyclopéenne

    La pierre géante d’un mur inca

    ne serait pas plus hermétique 

    plus inconcevable Entrer pourquoi

    sortir pourquoi 

    .                           Cette feinte de fente 

    que nous ménage l’abstrait espace

    et que l’habitude rendait facile,

    prise soudain de biais par la raison

    ainsi que tout le reste de l’univers

    verse dans l’unité lisse impénétrable

     

    Celle qui tient au pied de son fronton

    doré par une insolite éternelle aurore

    l’humain et ses mots minables en échec

     

     

     

     

     

     

    Un matin parmi tant d’autres

     

    Il a plu... L’herbe au jardin

    a fraîchement reverdi

    Ziparwa ou l’un de ses cousins

    embaume encore l’atmosphère

    de son parfum végétal

    à tonalité d’humus humide

     

    Sur la ruine de l’ancien mur

    un chat nébuleux noir et gris-pâle  

    dort en rond tête entre les pattes

    Plus loin l’un des rosiers porte

    en suspens deux roses blanches

    que l’aube choisit d’éclairer

     

    Paisible enclos où tout est vie

    A leur heure corneilles et pies

    viennent jacasser dans leur pin

    ou leur bouleau préféré

    entre eux contestant telle branche

    qu’occupe un premier venu

     

    Agacées les tourterelles

    qui détestent les querelles

    gagnent les toits alentour

    pour jusqu'au retour du calme

    y roucouler leurs amours...

    Ah que me plaît ce petit monde

     

    où les conflits sont sans missiles

    sans massacres, canons ni bombes !

     

     

     

     

     

    Nocturne insituable    

     

    Sur le crachin des Voies Lactées

    se profile ailes étendues

    le mont rapace qui couve

    une nuit plus noire que la nuit

     

    Bulle de lune entre les paumes

    en procession les ombres rythment

    d’un chant râpeux et bleuté

    leur piétinement à flanc de coteau

     

    Hanté par l’insomnie l’Errant

    scrute au ciel si son étoile 

    complice cligne encore ou si

    par les années consumée

     

    elle brille par son absence

     

     

     

     

     

     

    Latences

     

    Les rougeurs du soir 

    percent les ramées noires

    ainsi le sang du passé rance

    à travers le treillis des années

     

    On ne sait plus ce qu’il faut croire

    Heures de doute Désespoirs

    de pierre au fond du lac tombée

    Coeur abîme et cloches du silence

     

    Déjà la nuit dans ses mailles denses

    capture un fourmillement d’étoiles   

    Du ciel une senteur de jasmins

    évente le paysage obscur 

     

     

     

     

     

    Ombres chinoises

     

    Là-bas loin très loin à portée de rêves

    à contre-jour la silhouette de l’Ève

    idéalisée par l’air lumineux du jour

     

    Ce que travaille le ciseau de l’ombre

    impalpable statue au bord du vertige

    c’est cela qui convoque la merveille

     

    Admirables les dentelles au mur 

    que dessine le soleil imitant les flexibles

    parures des fougères et des papyrus

     

    Aïlenn passe Elle rectifie certaine tiges

    avec des geste de bijin en cours d’ikebana

    La grâce - plus belle encor que la beauté...

     

     


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  • L’autre Oxopétra

     

    Ce qui se montre et disparaît et reparaît,

    éblouit un instant puis replonge ainsi qu’un

    dauphin qui d’un fil blanc d’écume faufile

    vivement les houles - voici ce que la mer

    du langage avec parcimonie fait entrevoir :

     

    Ce que la main qui écrit s’épuise à suivre

    comme si l’on pouvait transcrire l’éclat

    solaire avec de l’encre sur une page étale

    susceptible de finir en cendres pour peu

    qu’une intransigeante foudre s’en mêle...

     

    Des eaux du jour émerge alors la pierre

    ultime Le vent l’a usée jusqu’à une forme

    presque humaine À la pointe du récif

    dressée, elle offre aux navigateurs prochains

    un amer, utile à certains, à d’autres non !

     

     


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  • Métaphores toujours

    .

    Ils cherchent la raison pour laquelle

    j’abuse dans mes poèmes de ce qu’on appelle

    en poésie des « images »

    en nos temps où même la peinture ne peut

    lutter contre l’avalanche des vidéos

    films et photos numériques

    en quoi pour ma part je trouve que les images

    sont plutôt rares quoique en ressente

    le narcissisme populaire qui se passionne

    pour l’auto-représentation des aléas

    mythifiés de son existence

    et ne se lasse pas des complications

    standardisées du « triangle amoureux »

    ou des difficultés de la misère sociale

    (Les feux de l’amour, plus belle la vie, etc...)

    Non ! Mes images à moi sont d’autre nature

    Elles ne représentent pas – mais présentent

    Elles veulent proposer une « mise en conscience »

    de ce qui se dissimule du réel dans ce qu’on a

    tous les jours l’habitude de regarder sans le voir :

    c’est-à-dire sans en voir l’invisible sous nos yeux

    Et pour cela elles s’escriment aux rapprochements

    hétérogènes qui tentent de séduire l’imagination

    et de l’amner à unir les Différents en un acte d’amour

    puisqu’il est toujours besoin de Deux

    pour avoir une chance de donner naissance au Trois

    du Miracle...

    .

     

     

    .

    Urbi et orbi – et encore au-delà !
    .
    D’un temps d’enfance close
    j’ai gardé le goût d’envoyer où je ne peux
    aller le lasso du rêve
    Qu’il attrape les tours enneigées du Paine
    ou de Trango et les ramène jusqu’à moi avec l’image
    de Patrick en pleine escalade
    ou jouant de la kena si bien que les échos
    des cathédrales de granite l’imitaient
    Le lasso du rêve
    Qu’il me ramène du passé pastellisé
    par la patine des jadis le grand tilleul de la cour
    sous lequel protégée du soleil de l’après-midi
    ma grand’mère lisait Troyat ou Pagnol
    pendant que je taillais un bambou à la racine
    pour en faire un shakuhachi
    Ou encore enlaçant le mât du Ponant
    avec lequel nous faisions des excentricités
    vent debout dans la baie de Cannes
    Bref – le monde ineffable à ma disposition
    jusqu’à l’Heure de tel ultime
    et définitif remède à la maladie
    de vivre !

     

     

    .

    Elféerie

    .

    En rond les elfes nus

    dansent au clair de lune

    .

    Ni sang ni couteau pourtant

    parfois vient la Fin

    .

    En rond les elfes nus

    dansent au clair de lune

    .

    Ô froides courbes graciles

    de silhouettes pures et si belles

    .

    En rond les elfes nus

    dansent au clair de lune

    .

    Tambourins violons syrinx

    La musique n’est pas d’ici

    .

    En rond les elfes nus

    dansent au clair de lune

    .

    Ecoute enfant écoute

    du fond de ton petit lit

    .

    En rond les elfes nus

    dansent au clair de lune

    .

    Ne va pas danser avec eux

    Tu ne reviendrais jamais

    .

    En rond les elfes nus

    dansent au clair de lune

    .

     

     

     

    Bulles d'écume

     

    Où est-il donc passé le bienheureux

    sommeil de l'enfance

    Ces quelques heures de paradis

    qui compensaient la désertion de la lumière

    Cet engourdissement voluptueux du corps

    qui laissait à l'esprit

    la liberté de jongler gaiement avec l'impossible

    en s'offrant l'illusion que c'était réalité

    Une réalité plastique déformable

    soumise à d'autres lois que celles de la vie du jour

    Une profusion de mondes parallèles

    où la beauté la plus inconcevable

    côtoyait aisément l'atrocité la plus inoffensive

    Une profusion d'univers en lesquels

    à toute situation inextricable

    un simple effort de réveil pouvait mettre fin

    si nécessaire agrémenté de murmures consolants

    et de maternels gestes de tendresse

    que surveillait la lune par les interstices des persiennes

    avec la même bienveillance

    qu'à l’égard du petit crabe sorti vadrouiller

    dans les sables en bord de mer

    après que la baratte salée du ressac l'aura surpris

    roulé puis secoué comme un vulgaire galet

    jusqu’à ce qu’au-milieu de bulles d'écume

    en train – plic... plic, plic... - de s’éteindre

    il soit relâché encore étourdi de vertige

    à l'instar du poète qu’un sommeil houleux réveille

    à tout moment parmi des bribes de poèmes

    sur le point de s'évaporer...


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  • 5) Aveux non-circonstanciés

    .

    Hypocrite ! Conscient que la vie est un piège inexplicable et bizarre, on dirait que le plus souvent ton seul souci est de le cacher aux autres.

    .

    Sifflotons en feignant d’avoir apprivoisé le bonheur, cette espèce d’oiseau bleu ; si nous l’imitons suffisamment bien, il viendra peut-être…

    .

    Enfant, il envisageait de prendre un nuage au lasso ; certes il s’agissait de vapeur, néanmoins la force du songe le changeait en yak ou en mouflon blanc.

    .

    D’un côté, une spirale vers l’infiniment grand, de l’autre vers l’infiniment petit, telles les cornes d’Ammon, ce qui spirituellement fait de toi le cousin d’Alexandre !

    .

    Que le Nombre fonde une erreur native de la pensée, Pi en est la preuve à qui manque un iota pour coïncider avec le Tout : mais ce rien gage notre réel.

    .

    L’allusion et l’analogie sont les seuls outils créatifs de la pensée, qui l’entraînent du connu vers ce qui lui échappe, en grignotant à force d’erreurs sur le Chaos.

    .

    Le fin mot de l’histoire, le mot de la Fin en somme, à voir combien les humains sont autodestructeurs, ne saurait se faire encore attendre très longtemps…


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  • Fleurs

    Ces airs altiers de cavaliers, heaumes aux blancs corymbes, chevauchant à travers les écheveaux des verdures, humble et pure splendeur ! Un clin de poésie pour personne – « C’est pour moi seule que je fleuris déserte ! » clamait Hérodiade…

     

    Ainsi s’accompagne soi-même la double fleur immaculée, assortie de la joie d’aucun songe. Pétales vierges, pages que jamais nulle encre n’aura le pouvoir d’entacher, mots d’un poème qui disent – cependant que restés impénétrés.

     

    Aucune place ici pour l’effroi de la foudre. Ni pour le froid des neiges à venir. Que demain au vent la jumelle beauté s’étiole, nul souci puisque la mémoire n’en serait qu’affichage de leurres et d’imprécis regrets.

     

    Ce qui fut être, au site occulte demeure, sans besoin de tombe ni de lieu terrestre, toute pierre en est le signe et tout printemps l’avatar. La tente immense de l’azur suffit, comme dais de gloire, et sphère de célébration.

     

    (in Quatre strophes)



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