-
Une journée avec Ezra (bref synopsis)
.
Petit Ezra qui devient grand
(Il a quatre ans désormais – l’âge
De la vérité….) avec ses parents
Est arrivé hier, toujours aussi lutin,
Mais comme il est récemment tombé
Et qu’il souffre du genou gauche
Il est resté le plus souvent auprès de moi,
Rieur et gentiment farceur…
Nous avons parcouru des livres; puis
Sur le vaste tapis dont certains dessins
Convenaient assez bien au rôle
D’emplacements de parkings,
Joué longuement aux petites autos.
À travers la terrasse un moment il a fait évoluer
Le gros crossover jaune télécommandé
(Amphibie, vif et tout terrains grâce aux pneus à reliefs,)
Qui fait sa fierté, depuis un fauteuil de jardin,
En compagnie de son grand cousin Samuel
Expert familial certifié en la matière…
…Revenus sur le canapé du salon
Nous l’avons transformé en bateau pirate
Et navigué parmi les crocodiles, assis
Jambes pendantes par dessus le plat bord
Évitant de notre mieux de nous voir croquer
Les doigts de pieds ! Bref, l’heure du repas du soir
À fini par sonner. Ezra toujours aussi fringant,
Moi un peu moins. Avant le repas, il est allé
À la cave du rez-de-chaussée jouer un solo
De batterie, avec une énergie intacte. Par
Le fait, il était préférable de le laisser discrètement
Finir la soirée avec son père, sa mère et ses cousins.
Quant à moi, après un repas frugal, j’ai découvert
À mon lit des qualités insoupçonnées…
.
Tempus fugit
.
Longtemps dans le silence, ainsi qu'une vache
rumine les verdeurs succulentes de sa journée,
j'ai repassé cette nuit dans ma tête les moments
de leurs vacances que m'ont offerts mes enfants.
C'est mon seul moyen de les revivre et de les faire
durer, même immatériels et spectraux ainsi que
sont les souvenirs. Le présent est si fugace quand
Ezra contre moi, les yeux en étoiles, me raconte,
de sa si jeune voix volubile, une réalité pareille à
la feuille tendre et neuve du petit bananier, depuis
ce matin ouverte et lisse comme une page à écrire.
.
Sur une photo d'Ezra ouvrant un de mes livres…
.
.
Un peu mélancoliquement, petit Ezra, je me dis
qu'ils seront démodés et pareils à une langue étrangère,
mes écrits et mes livres, quand tu seras en âge de les lire…
Ce sera la faute de ton siècle et de ses préoccupations,
si différentes des miennes que je ne puis les deviner.
On pense souvent que les poètes vaticinent, qu'ils sont
en quelque sorte de la graine d'avenir pour la pensée.
La chose me semble incertaine et ressemble davantage
à un vœu pieux que s'échangent ceux qui écrivent : hélas,
infiniment moins bien qu'Homère – pour s'en consoler !
.
.
Salins
.
Je laisse volontiers se moquer de moi
ceux qui n'ont jamais éprouvé de passion
pour un ami, pour une amante, ou pour
un petit Ezra rieur, taquin et infatigable…
Ce que la passion pourtant laisse en poèmes,
une fois envolés par la force du temps tous les
Plus Beaux Instant, ressemble à ces tas de sel
qu'en miroitant au soleil la mer laisse aux salins.
Cristaux blancs ou roses, pareils à de petites lettres
d'un alphabet immaculé, ils saleront nos vies
autrement mornes et quotidiennes, de grains
imprégnés par la longue fréquentation du ciel
qui leur faisait face, et la leçon reflétée des nuées
toujours en quête de limites introuvables !
.
Pour une faible rumeur...
.
.
Pour une faible rumeur de moustiques
réveillés par quelques éclairs et une averse,
le sommeil te fuit… Alors sur l'écran lumineux
De ton téléphone (qu’un moucheron harcèle :
pattes fines, ailes nervurées, corps miniaturisé)
te voici renouant avec l'habituelle dictée du jour,
comme échaudé l'on se remet sous une cascade
impatient qu'une fraîcheur neuve
nous lave des sueurs impures de l’août ;
La lumière alors nous étincelle tout le corps
de ses perles de rosée
transparentes comme les minutes de bonheur
scandées par des rires d'enfant
auxquels la mélasse morale la plus noire
est impuissante à résister...
Même la nuit semble doucement se recharger de sérénité
tandis que le sommeil s’enchante d'une profusion de lunes tournoyantes
qui miroitent sur la mer hypnotique de nos rêves
.
Et que penche sur nous le Visage de l’amour
pour nous entraîner par les chemins
d’une inconscience pavée de souvenirs oubliés…
Carabistouilles
En ouvrant la fenêtre du matin,
je constate que le quotidien lever
du jour se ressemble sans être jamais le même
comme un poème à un autre poème…
L'azur aujourd'hui est un immense pan
de montagne où moutonnent quelques plaques
de nuages neigeux, abondamment commentées
par toutes sortes d'oiseaux nouveaux.
Au fond du parc, au secret d'un chêne, il y a
celui qui dit où-t'es-t-y-toi, où-t'es-t-y-toi…
auquel répond dans le laurier un invisible
qui chantonne ici-je-suis-ici-je-suis-ici-je-suis
indéfiniment, tandis qu'un troisième qui ressemble
à un pit-pit ajoute son grain de sel oui-oui, oui-oui,
il-est-ici… Une pie insolente vient se poser
sur la balustrade et me regarde d'un œil sévère
en grinçant qu'ce-vacarme-m’agace ! Ça-jacasse,
ça- jacasse-ça-m'encrasse-l'espace ! Puis elle "jumpe"
d'un coup d'aile jusqu'au proche cerisier, répéter
ses récriminations auxquelles d'autres grincheuses
font écho bientôt, bruyantes autant qu'un cortège
de manifestants du syndicat des croques-morts !
Très haut tourne en rond une buse indifférente,
qui piaule faiblement Je-m'ennuie-je-m'ennuie...
Quand je vais expliquer cela tout à l'heure
au petit Ezra, il m'écoutera d'abord avec sérieux,
puis dans un merveilleux éclat de rire, il s'écriera :
C'est pas vrai Papy - tu me dis des carabistouilles !
-
Commentaires