• Fin de concert

    Fin de concert

    .

    Mon père avait un petit livre 

    joliment illustré grâce auquel on pouvait

    reconnaître chacune des trois-cent-

    vingt-sept variétés d’oiseaux de France

    Depuis les ornithologues contemporains

    ont porté ce chiffre à cinq-cent-soixante-dix  

    Chose étrange pour ma part j’en vois

    de moins en moins dans les jardins et les forêts

    Quelques mésanges quelques tourterelles

    corneilles merles un rare rouge-gorge une mouette

    de temps en temps aventurée loin de ses bases 

    Finalement je ressens quand j’y songe 

    la même émotion qu’en écoutant 

    le adagio final de la symphonie 

    des Adieux  en fa # mineur 

    de Haydn...

     

     

     

    .

    Paroles couleur de lune

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    S’attaquer au  R i e n  et combattre  l’ I m p o s s i b l e

    de l‘univers en lequel un mystère nous a jetés 

    que nos parents eux-même ne sauraient éclaircir

    .

    tel est le programme de quelques considérables

    poètes réputés internationaux que j’admire

    Ils ne se veulent pas philosophes ni croyants

    .

    pourtant ils le sont à leur corps défendant

    Quant à moi je ne me défends de rien car

    je n’ai pas de conception toute faite des choses

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    Ma conviction est que l‘on affermit tout ce que 

    l’on met son l’énergie à combattre en direct

    Les forces du réel sont tellement sournoises 

    .

    qu’on n’en réchappe point par le délire surréel

    mais par la seule intransigeante adéquation des mots !

     

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    Épair et manque

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    Serrer le vent, tirer des bords

    au plus près, que la voile couleur de cerveau

    ne désemplisse jamais

    du lumineux élan qu’imprime l’Invisible

    fût-ce au risque de chavirer 

    tel soit le programme de ton odyssée

     

     

     

     

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    Stable instable

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    Ce qui est beau est apothéose du Réel.

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    Sous le Chaos une virtualité d’ordre s’épanouit en pivoine.

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    J’apprécie dans les œuvres d’art des anciens Grecs, le souci d’humilité.

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    Le Réel, c’est le constat de vivre, lorsque l’esprit en saisit l’essence. Le reste est fiction.

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    Le rêve de ce qui est : l’inchangé. Or, même la pierre des statues vit.

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    Le désir, c’est imaginer que ce qui manque vaut mieux que ce qui existe.

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    Sous la plage, les pavés. L’inverse de tes croyances naïves de jadis.

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    L’imaginaire participe au réel comme ses nageoires extravagantes à un tosakin.

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    Ah, ces mots inexpérimentables : éternité, infini, divinité, liberté, et ainsi de suite !

     

     

     

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    Escapade 

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    Une quinzaine de moutons sur la pente

    Des rochers percent ici et là le velours de la prairie

    Au fond du paysage le tsunami pétrifié

    des Alpes bleues crêtées de blanc       

    que traversent les troncs proches d’un bouquet

    de pins noirs épongeant le vitrage de l’azur 

    où par les yeux la pensée plane à la suite d’un faucon

    De mon sac je tire un thermos de thé auquel j’ai mêlé

    six feuilles de verveine Sitôt béant l’anneau de son col brillant

    attiré par cette sorte de miroir aux alouettes

    le soleil y glisse une ou deux pennes d’or

    si bien qu’avec le thé je bois sa lumière infuse

    et dans l’air pur qui déploie les parfums végétaux

    divers de l’estive, je respire l’intemporel

    bonheur de me sentir chez moi

    quand même brusquement je réalise

    assis à mon bureau qu’aujourd’hui tout cela 

    n’est que songe et réminiscences

     

     

    .

    Pensant à Don Pedro

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    Échapper, certes, mais à quoi

    et gagnant un ailleurs qui serait quoi ?

    Voyagerais-tu au pas balancé des fameux

    quatre méhara d’Alfaroubeira 

    jusqu’au fin fond du Paumékistan

    que cela ne te débarrasserait pas

    de tes peines obèses, de tes maigres joies 

    et surtout de tes quatre vérités

    Autant de compagnies encombrantes

    dont aucun paysage aussi merveilleux soit-il

    ne distrait jamais longtemps

    Yourtes décorées d’entrelacs multicolores 

    parmi les immenses vallonnements de Mongolie

    Forêts malgaches avec les célèbres

    makis mococos fausses peluches à la queue rayée

    Montagnes des Appalaches avec troupeaux méfiants

    de broncos  pie bais qui descendent jambes 

    raide en avant boire aux fleuves

    Jonques sur le bleu semé de pics étranges

    de la célèbre baie d’Along chères aux touristes

    Glaciers craquants en longs échos à travers le sombre

    blizzard des cordillères de Patagonie

    Quel tour du monde si stupéfiant, prenant,

    exotique, impressionnant soit-il, pourra jamais

    détacher quelqu’un de celui qu’il est, 

    excepté s’il consent à le payer de sa vie ?

     

     

     

     

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    Calern

    .

    Les lointains bleuissants s’éloignent 

    de plus en plus 

    .                            le ciel distant surplombe

    de son mépris le passage des saisons

    Sur la lande vibrent les grappes de soufre

    erratiques des buissons rampants

    .

    On entend claquer du bec un oiseau caché 

    .

    Mon obsession de le mettre en poème

    ne l’intéresse pas davantage que le mistral

    qui s’y reprend à plusieurs fois sans succès

    pour obtenir un moulage de ma face

    .

    Aïlenn est très loin là-bas près de la mer 

    vers le cap où s’accroche un dernier nuage 

    .

    J’aimerais sentir sa main dans la mienne

     

     

    (2001)

     

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    Grillon des bastides

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    Laqué noir, ce grillon qui contourne l’immense roselière

    qu’est pour lui une touffe de graminées

    s’arrête ensuite un moment à l’ombre d’un caillou

    médite en orientant ses antennes,

    joue quelques martelés de son microviolon stridulant

    pour vérifier que son ré# est juste

    Par l’imagination un instant je m’installe 

    dans son petit corps multipattes et lustré

    J’accueille les ondes venues m’apporter leurs messages

    secrets des quatre points cardinaux 

    et je les traduis en morse pour que ma grillonne

    m’entende et me rejoigne cette nuit

    sous les hautes étoiles qui par antennes de lumière

    à travers l’infini échangent constamment

    leurs ondes inaudibles…

     

    .

     

     

    Ostinato malinconico

    .

    Écrire : trois arbres transparents

    au sein d’un hiver de neige pure

    emmitouflant des collines illimitées

    sous lesquelles la musique limpide 

    des ruisseaux est changée en trajets 

    de cristal sous lesquels au ralenti

    les poissons en de moëlleux nids

    de vase hibernent avec insouciance

    .

    Trois arbres gribouillés en bleu pâle

    au milieu d’une étendue immaculée

    Serait-ce qu’un dieu enfant est passé

    graffiter sur la paroi de brume qui clôt

    d’une feinte impasse les perspectives  

    Et pourquoi ce brusque éblouissement

    alors qu’un corbeau on ne sait d’où sorti 

    deux fois plus noir que noir s’essore 

    .

    N’écoute pas le cri du corbeau ma Belle

    ma Lointaine toi si légère que tes pas

    ne laissent point de traces, si ce n’est

    à m’efforcer de te suivre, les miennes 

    inégales maladroites et dont le vent

    recouvre l’hésitation sous le charitable

    et virevoltant voile d’une poudreuse 

    argentée comme le sable du Temps...

     


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